Il y a des voyages dont on rêve et que l’on ne réalise jamais. C’est le choix que j’ai fait lorsque je suis partie en voyage de reconnaissance dans la vallée du rift éthiopien. Mon équipe était constituée d’un guide francophone, de deux chauffeurs de 4×4 expérimentés et d’un cuisinier attentionné.
Il est 8 heures. Je quitte Mekele pour le pays Afar. Je ne sais pas encore bien ce qui m’attend. Après 3 heures et demie de trajet sur une route asphaltée, mon 4×4 bifurque vers une piste pour entrer en territoire Afar. Il s’agit d’une zone particulièrement isolée, loin de tout, où seuls des téléphones satellitaires peuvent opérer. Peu à peu, la température extérieure grimpe. Le compteur avoisine les 35°C.
12h30 : arrivée au premier « check-point » qui est le point d’entrée et des formalités de l’Erta Ale. Nous nous installerons pour déjeuner. L’endroit n’est pas très bucolique mais favorise une première rencontre avec le peuple Afar, de réputation plutôt hostile. Pendant ce temps, le guide règle quelques formalités avec le chef Afar qui nous enverra par la suite des dromadaires pour acheminer notre campement en haut du volcan Erta Ale et des policiers Afars pour assurer notre sécurité.
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15 heures : arrivée au campement de base d’Askoma après avoir traversé une succession de paysages particulièrement inhospitaliers qui oscillent entre désert de sable caillouteux et roches volcaniques noires. Le décor est posé : je suis bien loin de l’effervescence d’ Addis-Abeba !
17h30 : après un temps de repos mérité (surtout pour nos chauffeurs), je débute dans la pénombre une ascension sans grande difficulté du volcan Erta Ale de 3 heures environ. À la nuit tombante, ma lampe frontale est devenue ma meilleure amie. Seule une lueur rouge au loin attire mon regard. Mais qu’est-ce donc ? Tout ici n’est que roche volcanique.
20h30 : arrivée au campement. De là, j’aperçois un groupe de chinois tout essoufflé qui remonte de la caldeira de l’Erta Ale. Du campement, le paysage est déjà superbe. Je ne réalise pas encore ce qui m’attend…
Le guide me fait signe de descendre pour approcher la caldeira ; ce que je m’empresse de faire. Une poussée d’adrénaline mêlée de fatigue et d’excitation me guide.
Et là… quel spectacle ! Je suis sans voix. Je n’ai encore rien vu d’aussi beau. Sous mes pieds se trouve une cavité remplie de matière vivante, de la lave en fusion. C’est surréaliste ! La lumière rouge que je suivais depuis plusieurs heures se trouve désormais devant moi. Ce paysage fabuleux et envoûtant invite au silence et à la prudence. Des touristes seuls ne pourraient s’aventurer dans de tels endroits : la présence de notre guide est réconfortante.
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23 heures : Chamboulée par cette expérience qui va au-delà du réel, je partage mes émotions autour d’un repas avec les Afars, au pied du campement qui fait face à la caldeira rouge fumante. Je suis aux premières loges !
Nuit courte et sommaire dans des huttes en bois, avec vue sur caldeira. Munis d’un matelas, un drap suffit !
Il est 5 heures, le soleil se lève. Le temps d’un dernier adieu à l’Erta Ale avant de prendre le chemin du retour. Le paysage du matin laisse place à un paysage moins spectaculaire que la veille mais tout aussi beau.
11 heures : départ du campement où je retrouve le cuisinier et le chauffeur qui m’attendent avec un délicieux petit déjeuner. Après un temps de repos, nous reprenons la piste puis la route asphaltée en direction d’Amedhila. Il n’y a pas de doute : l’Erta Ale, ça se mérite !
18 heures : arrivée à Berhale, le point d’entrée des formalités administratives pour le Dallol. Installation au campement d’Amedhila. Situé en bordure de route, ce campement isolé n’a rien de très attrayant mais l’accueil y est plutôt sympathique au demeurant. Au loin, j’aperçois des femmes et des enfants très affairés à discuter avec mon guide ; celui-ci vient de leur apporter un souvenir en ce jour : des impressions photos de chacun d’eux.
Des lits en bois au sommier en palmier tressé sont à notre disposition. Je m’endors comme un bébé, bercé par le vent chaud et sous une myriade d’étoiles.
7h30 : nous embarquons 3 militaires en 4×4 et partons à la découverte des richesses du Danakil. Au loin, des caravanes de sel bien chargées semblent converger vers un endroit perdu au cœur de la plaine de sel. Ces paysages lunaires rendent l’endroit véritablement photogénique.
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8h30 : Arrivée dans la partie la plus hostile située à plus de 100 mètres au dessous du niveau de la mer. La climatisation de la voiture me ferait presque oublier la température écrasante extérieure. À seulement 15 minutes de marche, je découvre sous mes yeux les paysages de la biodiversité de l’extrême. Concrétions jaune vif, lacs acides, salinité à saturation… voilà ce qui m’attend. Ce phénomène s’expliquerait par l’activité volcanique intense propre au Dallol avec l’émission continue de fumerolles. Avant de parvenir à l’air libre, les gaz traversent une couche de sel et de potasse ; les dépôts formant d’énormes concrétions jaune vif, rouge et ocre dont certaines avoisinent parfois plusieurs mètres de haut. Par chance, je suis tombée en avril sur une équipe de scientifiques constituée de microbiologistes. Ils étudient ces univers minéraux de l’extrême et partent à la recherche de trace de vie.
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Je poursuis ma route par les canyons de sel.
Puis, je rejoins les caravanes de sel pour observer de prêt le travail de leurs caravaniers. Deux groupes se distinguent : les Tigréens et les Afars. Les uns sculptent, péniblement et sous une chaleur torride, des blocs de sels tandis que les autres chargent les mules et les dromadaires afin d’acheminer la marchandise dans les marchés et ainsi commercialiser le sel récolté.
Arrêt au lac Karoum, puis aux lacs acides aux geysers de couleurs… points d’intérêts uniques au monde. Je repars avec des étoiles dans les yeux et une multitude de questions sur la prospérité de cet endroit hors du temps.
13h30 : Après le déjeuner, nous quittons Amedhila pour les hauts plateaux du Tigray. Fini les paysages hostiles, arides et volcaniques et place à la verdure chatoyante et au sourire des Tigréens.
Gheralta : ma région coup de cœur ! C’est la deuxième fois que je me rends dans cet endroit à l’écart des sentiers touristiques. Au nord de Lalibela, le Tigray est considéré comme le berceau de la chrétienté éthiopienne. On y trouve de nombreuses églises troglodytes extrêmement bien conservées et méconnues.
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L’église d’Abreha et Atsbeha est un site incontournable du Tigray. L’église-cave dédiée à la Vierge, Maryam Korkor, a retenu mon attention ! Sujette au vertige, je ne me pensais pas capable de réaliser cette balade à flanc de falaise. Avec l’aide des villageois, et plus particulièrement celle de mon « boy » de 70 ans, cette balade a pris une tournure différente. Bondissant comme un cabri, mon compagnon de balade est un vrai bâton de berger. Sans trop de difficulté, il me met en confiance et me conduit en haut de la falaise. La vue de là-haut vaut vraiment le détour. Soudain, un moine-prêtre vêtu de jaune est apparu. Puis, quelques mètres à droite.. une petite porte donne sur l’église d’Abuna Daniel où un prêtre nous y attend. Un petit bijou encore préservé ! De nombreuses balades sont possibles dans la région du Tigray mais c’est une une autre histoire…
Albane Enaud