Certes, en 2017, le Mustang (prononcer Moustang) n’est plus un royaume et il n’est plus interdit… Il reste qu’accéder à ce haut plateau relève d’une gageure à laquelle beaucoup renoncent… Tel ne fut pas l’état d’esprit de notre groupe qui avait décidé d’inaugurer LA route devant nous mener à partir de Pokhara jusqu’à Lo Mantang, capitale du Mustang située à l’extrême nord de la vallée de la Kali Gandaki!
Situons tout d’abord le Mustang géographiquement. Il se trouve au nord ouest de Pokhara, au sud de la frontière tibétaine de part et d’autre de la rivière Kali Gandaki.
Un zoom plus fin sur la région permet de découvrir que le seul accès terrestre au Mustang se fait par Pokhara à partir d’une gorge percée entre l’Annapurna (8 072m) et le Daulaghiri (8 172m).
La route qui la longera aura laissé Pokhara à 900m pour atteindre Jomosom (2 743m) en 150 km. Émotions garanties…
Mais avant d’arriver à Jomosom, jetons un regard historique sur le Mustang.
Longtemps intégré au Grand Tibet, le Mun Tang prend son indépendance au début du XVe siècle sous la conduite d’ Ame Pal, premier roi d’une dynastie qui a régné sans interruption jusqu’à nos jours.
Ame Pal, fonde notamment Lo Mantang et conforte le bouddhisme Sakyapa en construisant de nombreux monastères de cette obédience.
Le Mun Tang était, à l’époque bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. C’était un plateau ouvert et luxuriant, Mun Tang signifiant vallée fertile… Un lieu de transit commercial entre le Tibet avec son sel gemme et les plaines céréalières de Pokhara et de Kathmandu.
Depuis un siècle environ, le climat du Mustang s’est brusquement modifié. Le pays de Lo a subi le contrecoup du dessèchement général qui a frappé le plateau tibétain. Le niveau des lacs et des rivières a considérablement baissé et les forêts sont en voie de disparition. Quant aux quatre cols qui permettaient la fluidité commerciale avec le Tibet, ils sont hermétiquement fermés par les chinois depuis 1950. La désertification est amplifiée par la présence abondante des chèvres qui dévorent la végétation jusqu’à la racine et permettent ainsi à la pluie de raviner les terres.
Depuis toujours, l’agriculture est la base de l’économie du Mustang. Les terres arables n’étant pas extensives, les mustangis se sont organisés pour pérenniser leur structure sociétale. Un exemple ? Pas d’émiettement successoral de la propriété foncière. L’aîné en est légataire universel. A charge pour lui d’héberger ses frères et sœurs dans le domaine familial qu’il hérite des mains de son père aussitôt qu’il se marie. Ce dernier devenant retraité de facto. L’unité familiale et patrimoniale étant la clef de voûte de l’organisation mustangie, point de dispersion inutile : la femme du frère aîné, pour peu que tous les intéressés soient d’accord, devient la femme de toute la fratrie masculine. Quant aux enfants qui naîtront de cette union extensive, ils auront l’aîné comme père, et les autres frères pour oncles paternels…
Le Mustang, c’est environ vingt cinq villages le plus souvent placés non loin de la Kali Gandaki, la présence de l’eau étant capitale pour alimenter leur système élaboré d’irrigation.
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Ils sont fortifiés afin de lutter contre les vents qui remontent du sud le long de la vallée de la Kali Gandaki chaque après-midi et abritent palais, maisons, gompas, chortens, moulins de prières et enclos…
Invariablement, les gompas sont de couleur ocre rouge pieusement ravalés chaque année.
Les chortens, quant à eux, sont constitués de cinq parties représentant les cinq éléments fondamentaux (terre, eau, air, feu, éther) qui doivent aider l’esprit à l’Illumination. Ils sont peints de couleurs sacrées, blanc (paix), rouge (sagesse) et gris (puissance), caractéristiques de la secte Sakya.
Terre longtemps réservée aux trekkers aguerris, le Mustang est désormais équipé d’une route qui mène le visiteur jusqu’à Lo Mantang. Nous l’avons inaugurée avec nos 4X4. Une sacrée expérience !…
Les récompenses fusaient de toutes parts : des villages médiévaux colorés, improbables perdus dans un vaste univers minéral, avec en fond de décor des sommets aux neiges scintillantes parmi les plus hauts du monde ! des paysages vertigineux mouchetés çà et là d’évocations spirituelles rappelant aux hommes par les gompas, chortens, murs, drapeaux de prières…, la place modeste qu’ils occupent réellement au milieu de l’immensité.
Merci à Anne, Brigitte, Camille, Chantal, Michel, Christel, Christine, Emilie, Gérard, Jean-Louis, Madeleine et Philippe d’avoir défriché avec moi la nouvelle approche de cette terre de légende !
Hervé TRIBOT LA SPIERE